1.07.2014 | Risques sanitaires

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L'étude long terme pointait des tumeurs accrues chez les rats nourris pendant deux ans au maïs transgénique. Photo : CRII-GEN

En novembre 2013, la revue spécialisée Food and Chemical Toxicology faisait savoir qu'elle retirait la publication de l'étude menée par l'équipe du français Gilles-Eric Séralini. 14 mois plus tôt, la revue avait plébiscité cette étude et l'avait publiée, déclenchant aussitôt de violentes controverses, tant le message était alarmant : le Roundup, l'herbicide le plus vendu au monde, s'est révélé lourdement toxique pour les rats, provoquant des anomalies sévères sur le foie et les reins ainsi que l'apparition de tumeurs. Les mêmes effets, un peu moins marqués, ont été constatés sur les rats nourris au maïs tolérant à l'herbicide. Cette fois-ci, c'est la revue Environmental Sciences Europe qui annonce la nouvelle publication de l'étude, dans l'intention de permettre une discussion rationnelle sur la méthodologie scientifique. Les éditeurs de Food and Chemical Toxicology avaient retiré l'étude parce qu'ils ne la jugeaient pas assez « probante ».

Toutefois, aucune erreur ou falsification intentionnelle de données n'avait pu être avancée. De nombreux chercheurs indépendants avaient protesté contre le retrait. Le réseau européen de scientifiques pour la responsabilité sociale et environnementale (European Network of Scientists for Social and Environmental Responsibility ENSSER) avait critiqué la décision, précisant que le retrait viole non seulement les principes en vigueur à Food and Chemical Toxicology, mais aussi les règles fondamentales des bonnes pratiques scientifiques. La décision nuit à la crédibilité et à l'indépendance de la recherche scientifique, avait encore écrit l'ENSSER. Réalisée par le CRIIGEN (Comité de recherche et d'information indépendantes sur le génie génétique) sous la houlette de Gilles-Eric Séralini, professeur en biologie moléculaire à l'Université de Caen, l'étude controversée se basait sur un test toxicologique mené par Monsanto, le fabricant du Roundup et du maïs transgénique. Séralini et son équipe ont répété le test de Monsanto ; ils ont cependant récolté davantage de données et ont observé les rats plus longtemps, soit deux ans, alors que le test de Monsanto n'a porté que sur 90 jours.

La nouvelle publication se fait en « open source », ce qui signifie que les données brutes sont en accès libre pour l'ensemble de la communauté scientifique. En adoptant cette démarche inhabituelle, les auteurs entendent contrer la critique de l'industrie agroalimentaire et des experts proches de l'industrie. Lorsqu'elle réalise des tests, l'industrie ne publie généralement pas les données, au nom de la protection de la propriété intellectuelle.
Les auteurs espèrent que la nouvelle publication influencera l'appréciation des risques par les autorités sanitaires. L'étude exige une réévaluation de la sécurité des herbicides et des plantes génétiquement modifiées. A cet effet, il est urgent de renforcer la recherche publique et de conduire de nouvelles études à long terme sur les risques.