30.06.2015 | Brevets

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  Plus de 1000 brevets ont déjà été délivrés sur des animaux de laboratoire génétiquement modifiés, mais aussi sur des animaux d’élevage conventionnels. Photo : Hartley


L’Office européen des brevets (OEB) a l’intention d’accorder un brevet sur des saumons nourris avec des plantes spécifiques. Le brevet devrait concerner le poisson en tant que tel et l’huile de poisson. Les aliments issus de ces saumons contiendraient une teneur accrue en oméga-3, un acide gras essentiel considéré comme bénéfique pour la santé. L’idée qui sous-tend ce brevet n’est pas nouvelle : on sait par exemple que le lait provenant de vaches qui paissent l’herbe des pâturages présente une teneur plus élevée en acides gras de ce type. « Si les animaux deviennent des inventions parce qu’ils mangent un certain type d’aliment, les vaches et les cochons élevés en pâturage ne tarderont pas à être brevetés eux aussi. Et peut-être un jour la nourriture et les boissons ? Ou les personnes qui boivent du lait ou qui mangent du poisson ? », s’exclame Ruth Tippe, de l’initiative « Pas de brevets sur le vivant ! ».

L’OEB a déjà octroyé plus de 1000 brevets sur des animaux de laboratoire génétiquement modifiés, mais aussi sur des animaux d’élevage conventionnels. En 2008, un brevet a été attribué à l’entreprise Monsanto pour l’élevage de porcs. La même année, un autre brevet est allé à la reproduction et à la sélection de vaches et de porcs. En 2007, il y a eu octroi d’un brevet sur l’élevage de vaches laitières et en 2015, d’un brevet sur les huîtres.
La quasi-totalité de ces brevets ont été révoqués suite à des recours. Le brevet sur le saumon est lui aussi contesté par la coalition « Pas de brevets sur les semences ! », qui appelle à protester contre sa délivrance en utilisant le système des « observations de tiers ». Si ce brevet devait tout de même être octroyé, la coalition prévoit une action en justice.

La coalition demande aux acteurs politiques d’agir enfin concrètement pour abolir les brevets sur les plantes et les animaux. « L’OEB développe de manière excessive son modèle d’activité aux dépens de la collectivité », commente Christoph Then, de la coalition internationale « Pas de brevets sur les semences ! ». « Si la politique n’impose pas de limites claires à l’office des brevets, on se retrouvera en permanence devant de nouveaux faits accomplis permettant aux avocats spécialisés en brevets, aux entreprises et aussi à l’OEB d’engranger des profits toujours plus grands. »

Plusieurs gouvernements européens sont intervenus ces derniers mois contre les brevets sur les plantes et les animaux d’élevage traditionnel. La Commission européenne prépare elle aussi une prise de position dans laquelle il est question de réactiver les interdictions inscrites dans le droit européen des brevets. Seraient dès lors exclus de la brevetabilité les variétés végétales ou les races animales ainsi que les procédés essentiellement biologiques d’obtention de végétaux ou d’animaux. L’OEB, qui profite elle-même des brevets qu’elle délivre, a réussi ces dernières années à contourner ces interdictions, les rendant ainsi inopérantes.