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Pas de brevets sur les plantes et animaux issus de la sélection conventionnelle. Image: No Patents on Seeds!

Les brevets sur les plantes et les animaux issus de l'élevage conventionnel peuvent être complètement interdits en Europe. C'est le résultat d'une décision de la Grande Chambre de recours, la plus haute instance juridique de l'Office européen des brevets (OEB). Le Conseil a décidé que les plantes et les animaux résultant de procédés de sélection conventionnels, dits « essentiellement biologiques », ne sont pas brevetables. Cette décision concerne la Suisse, puisque les brevets octroyés par l'OEB sont également valables dans notre pays.

En contradiction avec le droit des brevets européen qui interdit de breveter les procédés de sélection conventionnelle, la Grande Chambre de recours de l’OEB avait décidé, en 2015, que les plantes et les animaux produits à l'aide de ces procédés étaient néanmoins brevetables. Cette décision incompréhensible a permis le dépôt de nombreuses demandes de brevets pour des produits issus de sélection conventionnelle auprès de l’OEB. Ainsi, une centaine de nouvelles demandes de brevet sur des produits obtenus par sélections conventionnelle ont été identifiées par la coalition « Pas de brevets sur les semences ! » et listées dans son récent rapport. Ces demandes de brevets couvrent, entre autres, le poivron, le maïs, les tomates, les brocolis, les pommes de terre ou l'orge ainsi que les vaches, les moutons et les porcs. Si ces plantes et les animaux sélectionnés de manière conventionnelle étaient brevetés en tant qu'"inventions", ils ne pourraient pas être utilisés pour une nouvelle sélection sans l'autorisation des détenteurs de brevets. Cette situation inacceptable a provoqué de nombreuses oppositions.

Après trop d’années de flou juridique, l’OEB a enfin décidé que les brevets sur les plantes et les animaux obtenus de manière conventionnelle ne devaient plus être délivrés. Cette décision est conforme à l'interprétation du droit des brevets adoptée en 2017 par les gouvernements des 38 États membres de l'OEB. Malheureusement, cela ne s'applique pas aux demandes de brevet déposées avant juillet 2017. "La décision actuelle pourrait contribuer à mettre fin à une décennie d'absurdités juridiques et de décisions chaotiques à l'OEB. Mais il y a toujours un grand risque que de grandes entreprises comme Bayer, anciennement Monsanto, abusent du droit des brevets pour contrôler l'agriculture et la production alimentaire", déclare Katherine Dolan de l'association ARCHE NOAH. "Le problème n'est pas encore résolu. D'autres décisions politiques sont nécessaires pour combler les lacunes existantes".

En effet, les brevets récents sont de plus en plus larges et restrictifs. Ils couvrent non seulement les semences mais aussi la méthode de récolte d’une variété de brocoli ou la production de bière. Ils tendent ainsi à réduire l’innovation en matière de sélection végétale et entraver la production alimentaire. De plus, ils favorisent le détournement des ressources génétiques hors des mains des paysans et des gouvernements. L'accès à la biodiversité nécessaire à la sélection ne doit pas être contrôlé, entravé ou bloqué par les détenteurs de brevets. Cette course à la privatisation du vivant concerne également la Suisse puisqu’elle suit largement les directives de l’OEB.

La modification des plantes par génie génétique est à l’origine de l’extension de ce système de privatisation des ressources génétiques. Et ce processus tend à s’accélérer. En effet, les techniques récentes d’édition génomique permettent de modifier rapidement un large éventail d’espèces végétales et animales et de les breveter en tant qu’invention technique. Cette évolution pose la question de la réduction du nombre de variétés végétales en accès libre et de l’indépendance des éleveurs. Ainsi, même les États-Unis ont soumis les animaux édités génétiquement à une approbation par les autorités avant leur commercialisation…

Cette année, le Conseil fédéral régulera le statut des techniques d’édition génomique. Afin de garantir notre indépendance alimentaire, il serait inspiré de se pencher également sur une révision de la loi sur les brevets et une interdiction des brevets sur les plantes et les animaux afin d’atténuer quelque peu cette inquiétante privatisation du vivant.